Est-ce que le CBD est légal en France ?
Après plusieurs années de bataille et de flou juridique, c'est officiel : Le Cannabidiol (ou CBD), molécule non-psychotrope du chanvre, à laquelle on prête des vertus relaxantes, est autorisé à la vente en France.
Mais ce n'est pas aussi facile, pour en savoir plus sur les conditions de cette autorisation, l'histoire de la législation, les spécificités liées à la culture, ça se passe plus bas !
L'histoire de la législation du CBD en France
Cadre législatif français et européen d’origine
Initialement, le marché du chanvre est réglementé par le droit français via l’arrêté du 22 Août 1990 qui avait défini les critères suivants :
• Seules la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale (uniquement fibres et graines) des variétés de Cannabis Sativa L. sont autorisées si :
○ La teneur des plantes de chanvre n'excède pas 0,2% de THC ;
○ Si la plante est choisie parmi une liste prédéfinie de variétés (article 2).
Au niveau européen, dans le cadre de la Politique Agricole Commune (PAC), c’est le règlement de l’Union européenne du 17 décembre 2013 (Règlement 1308/2013) qui définit les conditions de production, de commercialisation et d’importation du chanvre à des fins industrielles et commerciales.
• La production, la commercialisation et l’importation du chanvre à des fins industrielles et commerciales sont autorisées si :
○ La plante est issue d’une variété de Cannabis Sativa L. autorisée par une liste fixée par la Commission européenne.
○ La teneur des plantes de chanvre n'excède pas 0,2% de THC.
Contrairement à ce qu'indique le droit français (uniquement graines et fibres), la réglementation européenne ne prévoit aucune restriction quant aux parties de la plante pouvant être utilisées dans le cadre de cette culture, ni aux utilisations qui en sont faites.
2015 à 2020 : La chasse aux sorcières
Face à la montée des produits dérivés à base de CBD en Europe et France, notamment via la société marseillaise Kanavape, qui transforme ses produits en République Tchèque (afin de contourner les interdictions législatives françaises), le ton monte du côté législateur.
C’est en 2015 que la société est perquisitionnée et est affublée des différents chefs d’accusation : trafic de stupéfiants, promotion à l'usage de drogues, pratique illégale de la médecine et de la pharmacie, ouverture illégale d'une officine.
En 2017, les créateurs sont condamnés à dix-huit et quinze mois de prison avec sursis, à 10 000 euros d'amende chacun par le tribunal correctionnel de Marseille, et à 5 000 euros conjoints, qui doivent également être versés à l'ordre des pharmaciens qui se sont constitués partie civile.
Ensuite, le 11 juin 2018, la MILDECA indique dans son communiqué : le taux de 0,2 % de THC permis, « n’est pas un seuil de présence de THC dans le produit fini, mais dans la plante elle-même ». En France, la chasse au CBD est clairement affichée.
L’aventure juridique de Kanavape, qui a finalement eu le rôle de cobaye dans l’univers du CBD en France, se clôture par la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) par l’arrêt du 19 novembre 2020 dit “Kanavape”.
• La CJUE indique que la réglementation française du CBD doit se conformer aux impératifs de la libre circulation des marchandises inscrits dans les traités fondateurs.
L'interdiction du CBD en France est jugée illégale par la justice européenne.
Législation post Kanavape
En Juin 2021, 2 arrêts majeurs de la Cour de cassation viennent agiter l’actualité du CBD.
Le premier, du 15 Juin 2021 indique que l’interdiction, même provisoire, de la commercialisation de produits contenant du CBD ne peut être ordonnée en l’absence de preuves que les produits en cause entrent dans la catégorie des produits stupéfiants (Cour de cassation, criminel, 15 juin 2021, n° 18-86.932).
Le deuxième s’appuyant sur la décision prise en Novembre 2020 (affaire Kanavape) autorise la commercialisation de produits à base de cannabidiol (CBD), la molécule issue du cannabis, n’est pas considérée comme illicite par la Cour de cassation (Cour de cassation, criminel, 23 juin 2021 n° 20-84.212).
C’est en toute fin d’année 2021 qu’intervient l’Arrêté du 30 décembre 2021 portant application de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique, celui-ci a plusieurs répercussions directes sur le marché du CBD en France :
• Autorisation de la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale des seules variétés de Cannabis sativa L., dont la teneur en THC n'est pas supérieure à 0,3% et qui sont inscrites au catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles ou au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France.
• Un contrat écrit entre le producteur et l'acheteur avant la campagne de production.
• Cela limite drastiquement les variétés disponibles (les fleurs régulièrement vendues en boutique ne font pas partie de ce catalogue).
• La vente de plants et la pratique du bouturage sont interdites (pratique commune en agriculture).
• Les fleurs et les feuilles des variétés autorisées ne peuvent être récoltées, importées ou utilisées que pour la production industrielle d'extraits de chanvre ;
• La vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d'autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation sont interdites (motif de santé).
• La vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d'autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation sont interdites (motif de santé). Cet arrêté porte un coup de massue à l’industrie du CBD qui démarre l’année 2022 avec une interdiction de vente de l’un de ses produits phare : la fleur.
Alors aujourd’hui qu’en est-il ?
La décision provisoire du Conseil d’état parue le 24 Janvier 2022 a suspendu “l’exécution des dispositions du premier alinéa du II de l’article 1er de l’arrêté du 30 décembre 2021”, notamment car le motif de “santé” exprimé n’est pas valable.
C’est-à-dire :
• La plante de chanvre contenant du CBD doit toujours être issue d’une variété de cannabis sativa L. autorisée par la réglementation. https://www.geves.fr/catalogue/
• Les produits au cannabidiol doivent provenir d’une plante dont la teneur en THC est inférieure à 0,3% ;
• La vente aux consommateurs de fleurs n’est plus interdite.
Malgré cette autorisation, permettant aux magasins de vendre des fleurs, les syndicats et entreprises du secteur affichent toujours leur mécontentement face à cet arrêté.
L’arrêté de Décembre 2021 est en décalage complet face à la réalité du marché du CBD. Le catalogue de plantes autorisées ne correspond pas aux offres du marché, en effet ces variétés sont davantage destinées à des utilisations industrielles et non-commerciales.
De plus, le bouturage est toujours interdit, malgré son intérêt évident dans le monde de l’agriculture.
Cependant, la jurisprudence des différents arrêtés ayant été publiés avant celui de Décembre 2021, permet aux producteurs et aux vendeurs de commercialiser d’autres variétés, afin d’offrir le meilleur du CBD.
Mise à jour du 29 Décembre 2022
Le Conseil d'État annule l’arrêté du 30 décembre 2021 interdisant de vendre des fleurs et feuilles de cannabis ayant un taux de THC inférieur à 0,3%.
La vente est donc à 100% autorisée pour les variétés contenant un taux inférieur à 0,3% de THC, la mise en place d'un contrat entre agriculteur et acheteur n'est plus nécessaire.
Les pratiques agricoles sont de nouveau autorisées.
Cette annulation apporte un peu d'air aux professionnels du secteur qui peuvent se projeter vers l'avenir.